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L’antiquité bien démontrée du charroi des cailloux quarzeux explique leur différence de ceux que charrient maintenant le Rhône et la Durance.

Là, comme ailleurs, des montagnes quarzifères ont été démolies avant l’arrivée des cailloux alpins, et même avant la formation du calcaire marin tertiaire qui leur est superposé. La grosseur des cailloux quarzeux prouve que leur ancien gîte était peu éloigné du bassin littoral, pour être lacustre, où ils sont maintenant étalés au-dessus d’un pséphite gomphoïde de la période secondaire.


§ XI. Des cailloux roulés.

Il nous reste à parler des cailloux roulés non agglutinés qui sont superposés aux terrains de comblement limoneux et sableux tertiaires.

Ces cailloux sont amoncelés ou stratifiés. Le volume de leurs amas est en proportion avec la hauteur des montagnes et la force des torrens.

J’ai cité, dans la vallée de l’Isère, au petit bassin de la Roise, un dépôt de pséphites tertiaires épais d’environ 500 mètres. La Dopa Baltea, qui descend, comme l’Isère, des hautes régions du Mont-Blanc, a formé dans la vallée des amas non moins épais de cailloux et de blocs non agglutinés[1].

Ces amas sont au moins en partie l’ouvrage des inondations, mais non d’une seule, et c’est en ce sens seulement qu’on pourrait les appeler diluviens.

La théorie des cailloux roulés stratifiés exige d’autres conditions que celle du charroi par les courans ordinaires ou extraordinaires.

Il est évident que leur stratification ne s’est point opérée en plein air, mais seulement sous les eaux marines ou lacustres. Les courans ont bien pu les charrier et en faire des amas ou des traînées, mais non les mettre en ordre et les niveler. Ce nivellement a été postérieur au charroi. On ne peut l’attribuer qu’à l’agitation sans cesse renouvelée des eaux surnageantes qui, en heurtant et démolissant les amas de ces cailloux vomis par les torrens, les ont déplacés, dispersés et disposés en couches, plus ou moins régulières, sur le sol limoneux et sableux du comblement antérieur.

Dans les bassins intérieurs des montagnes, ces cailloux ne forment ordinairement qu’une seule couche superposée aux limons. Dans les bassins extérieurs et littoraux, on les voit distribués en plusieurs étages horizontaux et parallèles.

Ce phénomène s’explique assez naturellement, si on considère chacun de ces étages comme correspondant à l’un des anciens niveaux de la mer, et leur ensemble comme une série de monumens de ces pressions successives.

Qu’on se représente en effet la mer venant battre le pied d’une chaîne de montagnes ; les cailloux qu’y jette un torrent grossi par les pluies sont d’abord

  1. Daubuisson, Traité de géognosie, t. II. p. 463.