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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

d’alors (dont il a, j’en conviens, bien rappelé depuis) l’ayant fait arriver au sommet des pouvoirs en  1848, ces grands événements ensevelirent le passé.

L’affaire de Suisse avait, je viens d’y faire allusion, occupé les esprits. Dans l’automne de 1846, les cantons catholiques et aristocratiques s’étaient réunis entre eux, sous l’appellation de Sonderbund, pour s’opposer à l’envahissement toujours croissant du parti protestant et révolutionnaire.

Si nous avions parlé haut et ferme en leur faveur, il nous eût été facile de leur donner la prépondérance. Mais monsieur Guizot crut, dans son optimisme habituel, le moment venu de prendre sa revanche sur lord Palmerston, devenu encore plus désobligeant pour lui depuis les mariages espagnols.

Celui-ci avait réussi, dans la question d’Orient, à former une quadruple alliance, en laissant la France en dehors. Monsieur Guizot se flatta de pouvoir, sur la question suisse, former une quadruple alliance en dehors de l’Angleterre.

Mais, tandis qu’il rédigeait et expédiait de fort belles dépêches destinées à tous les cabinets, lord Palmerston lui escamota l’affaire en un tour de main. Monsieur Peel fut envoyé à Berne porteur de paroles de vif encouragement, d’une somme considérable d’argent et d’excitations à prendre l’initiative avant que le parti catholique, auquel notre ambassadeur prêchait la temporisation, eût achevé ses préparatifs d’attaque ou même de défense.

On fut donc très surpris en Suisse, aussi bien que dans le reste de l’Europe, d’apprendre le commencement des hostilités et, presque simultanément, la destruction de l’armée du Sonderbund. La dissolution de cette ligue s’ensuivit.

Ce fut un grand échec pour notre gouvernement. Les