Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

chaste en matière d’argent que celui du roi Louis-Philippe. Il fut prouvé surabondamment que, dans toute son administration, monsieur Teste seul se trouvait compromis, et pourtant il fut établi comme irréfutable que tout s’achetait à beaux deniers comptants.

On répandit le bruit que le Roi entrait dans toutes ces exactions et thésaurisait. On persuada au peuple que les caves des Tuileries se remplissaient de tonnes d’or. Le petit bourgeois, mieux avisé, assurait que ces capitaux étaient dirigés sur l’Angleterre ou sur l’Amérique. Ces absurdes calomnies se répétaient et prenaient pied dans le pays.

Ces mauvaises dispositions se manifestèrent à l’occasion d’une fête donnée par monsieur le duc de Montpensier au château de Vincennes. On était en plein été et, lorsque les invités traversèrent le faubourg Saint-Antoine, il faisait encore jour ; c’était le moment où les ouvriers quittaient le travail.

Dans ces quartiers, où on y est peu accoutumé, les beaux équipages, remplis de femmes très parées, attirèrent l’attention ; mais, loin que ce spectacle causât de l’amusement, il excita du dépit, et les meneurs ne manquèrent pas de le représenter comme hostile à la misère du peuple.

Les murmures de cette foule, s’accumulant de plus en plus, allèrent souvent jusqu’à l’insulte, et l’on craignit une émeute dont le peuple de ces faubourgs n’avait pas encore tout à fait perdu l’habitude. La file cependant acheva de s’écouler, les spectateurs se dispersèrent et le calme se rétablit.

Heureusement, les troupes, qui avaient reçu l’ordre de monter à cheval, ne sortirent pas de leurs quartiers et les plaisirs de Vincennes s’achevèrent sans être troublés. Plusieurs des invités avaient été fort effrayés, tous