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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

que sa retraite serait suivie de la dissolution du ministère, commencèrent dès lors à employer tous les moyens pour le retenir et supportaient, sans broncher, les maussaderies qu’il ne leur épargnait guère.

J’ai toujours fait grand cas de monsieur Duchâtel, mais je ne puis m’empêcher de le blâmer dans cette circonstance, car, s’il prévoyait le danger, il ne devait pas hésiter à briser le ministère et, s’il croyait possible de marcher avec lui, il fallait s’appliquer à lui donner de la force, en contrecarrant le ministre qui lui semblait l’amener.

Il ne fit ni l’un ni l’autre, et, se tenant à l’écart, il laissa de plus en plus user les rouages de l’autorité entre ses mains.

Le Roi faisait parfois, en plein conseil, des sorties à ses ministres sur ce qu’ils ne tenaient aucun état de ses désirs, tandis qu’ils étaient prosternés devant sa majesté la majorité. Monsieur Guizot promettait de s’amender, tout en se riant de cette faiblesse du Roi ; les autres ministres baissaient les yeux et levaient les épaules.

Madame Adélaïde, naguère si ferme dans ses idées constitutionnelles, partageait les mécontentements du Roi et les exprimait avec tout aussi peu de retenue. Elle aurait bien voulu continuer la vie qu’elle s’était imposée ; mais sa santé s’altérait, de jour en jour, depuis l’attentat de Fontainebleau.

Elle était quelquefois forcée de garder le lit, bien souvent la chambre et de lever la consigne qu’elle s’était donnée de servir comme d’ombre au Roi. Il l’en dédommageait en venant perpétuellement dans son appartement, mais cela ne lui suffisait pas. Elle faisait des efforts désespérés, et souvent bien contraires à son état, pour reprendre des habitudes si chères.

Si l’union n’existait pas dans le cabinet, elle était