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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

À la vérité, notre première entrevue avait été de nature à rompre la glace entre nous.

J’avais été faire visite à la Reine à Saint-Cloud. Elle était occupée, et j’attendais son loisir dans le grand salon. Je m’étais assise dans l’embrasure d’une fenêtre. Une porte latérale s’ouvrit et je vis entrer, en sautant et chantant, une jeune personne.

Je n’eus pas de peine à deviner l’infante. Elle se mit à danser devant une grande glace, non pas pour s’y regarder, mais pour s’amuser le plus gaiement et de la meilleure grâce possible.

Bientôt après, la Reine ouvrit la porte de son cabinet. La petite danseuse courut à la Reine qui la considérait depuis un moment en me souriant. Elle parut un peu embarrassée lorsqu’elle m’aperçut, mais point déconcertée.

La Reine me présenta, avec ces mots obligeants qu’elle a toujours trouvés pour moi, comme sa plus ancienne amie. La princesse était venue demander un renseignement à sa belle-mère.

Elle entra dans le cabinet, avec la simplicité et la désinvolture d’une très grande dame, comme elle l’était en effet, y resta quelques minutes, fut très gracieuse pour moi, en se moquant avec beaucoup d’aisance de l’entrée ridicule qu’elle avait faite dans le salon et se retira en me laissant l’impression d’une personne de très haute lignée et fort agréable.

Bien différente avait été celle que j’avais reçue, l’année précédente, de son mari, dans ce même palais de Saint-Cloud. En entrant chez madame Adélaïde, je trouvai près d’elle un homme crotté, enveloppé d’une large et longue redingote d’étoffe grossière, dont le collet relevé rejoignait un chapeau déformé qu’il enfonça sur sa tête en passant à côté de moi et en éclatant de rire, aussi bien que madame Adélaïde.