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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Hé bien, chère majesté, — c’est ainsi que les enfants de la Reine ont pris l’habitude toute italienne de la nommer, — hé bien, chère majesté, puisque vous le voulez absolument, je viendrai demain matin. »

Ces cruelles paroles résonnent éternellement dans le cœur de la pauvre mère, et c’est avec des gémissements qu’elle me les a répétées.

Fidèle à ses engagements, monsieur le duc d’Orléans, en hâtant les affaires qui le devaient occuper jusqu’à midi, se procura une heure pour se rendre à Neuilly, et demanda un équipage rapide. Malheureusement, monsieur de Cambis, son écuyer, se trouvait aux écuries lorsque l’ordre y parvint.

Une partie des chevaux étaient envoyés au camp de Saint-Omer, d’autres à Plombières pour le service de madame la duchesse d’Orléans et à Eu pour celui de monsieur le comte de Paris, d’autres enfin étaient restés à Villiers.

Monsieur de Cambis commanda d’atteler à une voiture très légère deux jeunes bêtes fort ardentes. Le postillon, un des meilleurs de l’écurie, représenta qu’elles n’étaient pas encore capables de faire le service de Monseigneur.

« C’est-à-dire que tu n’es pas capable de les conduire, reprit monsieur de Cambis. Qu’on appelle John ; lui ne fera pas de difficultés. »

Comme de raison, les chevaux furent harnachés, montés et conduits dans la cour des Tuileries.

Ajoutons, en passant, que le postillon est devenu fou de désespoir et que monsieur de Cambis s’est plaint amèrement que la Reine et madame la duchesse d’Orléans eussent de la répugnance à le voir dans leur intérieur.

En apercevant cette petite calèche, avancée au perron, le prince fut très contrarié. Il ne traversait jamais