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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

Le chancelier Pasquier n’était pas arrivé depuis longtemps à Trouville lorsque le Moniteur lui apporta la nouvelle du mariage de monsieur le duc de Montpensier avec l’infante dona Fernanda. Il n’en avait eu jusque-là aucune révélation.

Au premier moment, cette alliance paraissait très brillante, et le chancelier s’empressa d’écrire au Roi, alors au château d’Eu, pour lui en faire compliment.

Mais, dès le soir même, il m’avoua regretter sa lettre. « Avec tout autre ministre, me dit-il, je n’aurais aucun souci, l’alliance serait très brillante et très utile. Tout dépend de la façon dont elle se fait, et monsieur Guizot est si léger, si présomptueux, il a si peu de prudence et il est tellement disposé à ne voir les événements que sous le jour où il lui plaît de les envisager qu’en joignant à cette connaissance de son caractère le postillonnage de Louis Decazes (le duc de Glücksberg) de Madrid à Eu, d’Eu au Val-Richer, du Val-Richer à Eu, et son retour à Madrid, en repassant par ce même Val-Richer, j’ai peur qu’il n’y ait là-dessous quelque intrigue ; quelque coup de tête ; et, si la négociation s’est conduite à l’insu et dehors du cabinet anglais, soyez bien sûre qu’il en résultera les plus fâcheux inconvénients. Loin de nous en réjouir, nous aurons à pleurer sur ce succès. »

La suite a prouvé combien le coup d’œil de l’homme d’État avait éclairé le chancelier.

J’ai su depuis, mais sans détails assez personnels pour les rapporter ici, comment les choses s’étaient passées. La reine Christine, se voyant menacée en Espagne, ne voulait pas attendre plus longtemps à s’y assurer une protection efficace ou, tout au moins, à se procurer dans un pays étranger la sécurité d’une résidence acceptée et reconnue.

Elle se décida donc, poussée aussi peut-être par l’am-