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MORT DU DUC D’ORLÉANS

d’abord à mon esprit. De sorte que, lorsque monsieur Lalande me dit que monsieur le duc d’Orléans avait fait une chute de voiture et s’était blessé, j’éprouvai une sorte de soulagement. Il ne fut pas de longue durée.

Le billet que m’écrivait monsieur Pasquier ne laissait aucune espérance. Après avoir passé cinq heures près du prince, il l’avait quitté agonisant pour réunir les personnes et les registres nécessaires aux tristes formalités qu’il allait être appelé à remplir. Dans la soirée, la mort nous fut confirmée.

Je ne puis qualifier que de stupeur l’impression produite dans mon petit cercle. Elle a été générale dans toute la France. On ne pensait pas ; on était accablé. L’énormité de la perte se présentait confusément ; l’étonnement ne permettait pas de l’apprécier toute entière.

Je me rendis à Paris. Voici les détails recueillis, soit du chancelier, soit de la Reine, de madame Adélaïde, ou d’autres témoins oculaires.

Monsieur le duc d’Orléans devait partir, le mercredi 13 juillet, pour une absence de quelques semaines. Il avait dîné la veille à Neuilly et y était resté jusqu’à onze heures à se promener avec la Reine dans les jardins. En se séparant de lui, elle lui demanda s’il viendrait déjeuner à Neuilly le lendemain.

« Je ne pourrai pas, répondit-il ; j’ai des audiences qui me retiendront jusqu’à l’heure de mon départ ou, du moins, jusqu’à celle de l’arrivée du Roi à Paris.

— Je t’en prie, Chartres, presse un peu tes audiences et tâche de venir, ne fût-ce qu’un moment. En tout cas, je ne veux pas te dire adieu ce soir. Si tu ne viens pas, j’accompagnerai demain le Roi à Paris ; mais tu ne verras ni Clémentine, ni Victoire, et elles seront fâchées que tu partes sans les embrasser. » (Les princesses étaient déjà retirées).