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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

Personne ne lui en sut mauvais gré, ni dans sa famille, ni dans le public où on se bornait à en sourire. Madame la princesse de Joinville était très jolie, et surtout très élégante.

On accueillit avec une grande bienveillance cette charmante gazelle, tout effarouchée, à peine échappée aux forêts du nouveau monde et qui, se trouvant un peu enrhumée, refusait un bouillon de poulet en en demandant un de perroquet. Elle se lamentait aussi sur les arbres dépouillés des Tuileries, ne pouvant se persuader qu’ils dussent jamais reprendre des feuilles.

Elle adorait le prince et semblait se blottir dans son sein où il l’accueillait avec empressement. Ce jeune ménage animait un peu la tristesse du palais.

Madame la duchesse d’Orléans prit goût à cette nouvelle belle-sœur, peut-être en partie parce qu’elle savait déjà mauvais gré à madame la duchesse de Nemours de pouvoir être un jour madame la Régente tandis qu’elle serait Madame, mère du Roi. Madame la duchesse d’Orléans tenait beaucoup à la puissance politique.

Notre nouvelle princesse ne savait absolument rien, son éducation ayant été complètement négligée. Elle demanda et obtint facilement des maîtres, afin, comme elle le disait, « de se mettre en état de comprendre Joinville. »

Cette pensée lui donnait toujours le désir et parfois la volonté du travail, mais l’application lui était presque impossible. Je ne pense pas que son instruction ait été poussée bien loin. Sa passion pour son mari a toujours été le mobile de son existence.

L’arrivée de ce nouveau couple et surtout la visite inopinée de la reine Victoria, au château d’Eu, qui combla de joie la famille royale, soulevèrent forcément les crêpes dont elle était encore entourée, et, l’hiver sui-