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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ture. Il traçait soigneusement de sa grande écriture toutes les lettres formant ses deux noms.

Cette opération était longue. Madame Adélaïde lui en allégeait l’ennui, et lui passait une à une les pièces qu’il devait signer.

Comme la plupart n’avaient aucune espèce d’importance, elles ne donnaient point lieu à commentaires ; mais c’était le moment des causeries les plus intimes et de toutes les confidences réciproques. Les deux cœurs étaient ouverts l’un vis-à-vis de l’autre.

Ces séances duraient toujours plus d’une heure, et souvent presque deux. La dernière signature tracée, et le Roi ne laissait jamais rien en arrière, madame Adélaïde se retirait chez elle et, dans les dernières années, bien abîmée de fatigue.

Pendant ce temps, la Reine avait parcouru les gazettes anglaises, allemandes et italiennes. Elle avait marqué les passages pouvant intéresser le Roi. En passant dans l’appartement conjugal, il la trouvait déshabillée, mais encore debout pour lui indiquer ce qu’il devait lire avant de chercher le repos.

Ces longues veillées n’empêchaient pas que la Reine, accompagnée de ses filles jusqu’à leur mariage, de leur gouvernante, toujours de madame de Montjoie, quelquefois de madame de Dolomieu, ne se trouvât exactement, été comme hiver, à sept heures moins un quart à la chapelle, pour y entendre la messe.

Madame Adélaïde y venait souvent, pas toujours et rarement, je crois, dans les derniers temps. J’ignore si les belles-filles catholiques avaient adopté cet usage ; mais, en tout cas, les heures étaient fort matinales, car, à neuf heures et demie, tout ce qui habitait le palais était réuni au salon et, dès que le Roi paraissait, vers dix heures, on allait déjeuner.