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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

d’Orléans mit sa fille en possession d’une immense fortune, très mal administrée, les soins réclamés par cet héritage changèrent un peu ses habitudes.

Elle se rendait parfois dans ses nombreuses propriétés, pour s’assurer par elle-même des améliorations et du bien qu’on y pouvait faire et s’émancipait, de temps à autre, à passer plusieurs jours au château de Randan où elle avait pris goût, mais jamais elle ne pouvait achever la semaine loin de la chère famille où tout son amour était concentré.

Accompagnée d’une de ses dames, elle venait aussi de Neuilly s’installer pendant des matinées au Palais-Royal pour des rendez-vous d’affaires, pour recevoir les personnes honorées de son intimité, quelquefois même pour faire un peu de musique qu’elle aimait passionnément, et, surtout, pour visiter les établissements charitables protégés ou fondés par elle, avec l’assistance intelligente et active de la comtesse Mélanie de Montjoie, sa dame d’honneur.

Mais, lorsque le trône eut apporté ses soucis et détruit le bonheur de cette famille, jusque-là si paisible dans sa douce union, madame Adélaïde ne se permit plus aucune espèce de distraction ; et, surtout depuis le premier attentat contre la vie du Roi, elle ne quitta plus les tristes palais où sa grandeur l’attachait que pour suivre son frère partout, toujours et en tous lieux. Non seulement toutes les heures de la journée lui étaient acquises, mais encore celles de la nuit.

Le Roi sortait du salon de la Reine entre onze heures et minuit ; la jeunesse s’était retirée depuis longtemps. La Reine le suivait presque immédiatement. Madame Adélaïde pliait lentement son ouvrage, tardait quelques moments, puis allait rejoindre le Roi.

Elle le trouvait occupé au travail matériel de la signa-