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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

jours sur un second plan, en lui ôtant toute initiative, ne lui laissait aucune importance. Sa belle figure et son air froid le faisaient accuser de hauteur.

Il ne réussissait pas même près de l’armée. On le reconnaissait froidement brave, militaire très instruit ; mais le soldat, accoutumé aux façons affables, gracieuses, et à la valeur plus brillante de monsieur le duc d’Orléans, n’avait pas d’attachement pour son second frère ; et, tandis que l’aîné aurait enlevé toute l’armée par un geste, monsieur le duc de Nemours n’aurait pas entraîné un seul homme à sa suite.

Lui-même se croyait né sous une fâcheuse étoile. Sa famille avait pris l’habitude de le qualifier sans cesse de ce pauvre Nemours, et il subissait cette épithète encore bien plus qu’il ne la méritait.

Enfin, tel qu’il était, avec une bonne judiciaire, peu d’ambition et la plus haute probité, il était taillé sur le patron d’un excellent régent, si les circonstances l’avaient appelé à remplir ce rôle. En attendant, les fantaisies du Roi n’avaient rien à craindre de son contrôle.

Les autres princes, dont deux avaient déjà eu occasion de déployer leur éclatante valeur, n’avaient encore aucune importance politique et restaient entièrement sous la gouverne paternelle.

Moitié par fatigue, moitié par conviction, madame Adélaïde se persuada aussi l’infaillibilité du Roi. Elle se laissa donc aller au courant.

Sa place, jusqu’alors, avait été dans les utilités. Elle cherchait partout et de bonne foi la vérité et la rapportait consciencieusement à son frère, abordant toutes les questions avec une entière franchise ; mais, depuis, elle cessa de vouloir l’éclairer et ne pensa plus qu’à lui éviter toute espèce de contradiction.

Il n’en rencontrait pas dans son conseil. Malgré sa