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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

çonner que la satisfaction de ne plus rencontrer aucun obstacle à ses volontés lui apportait une véritable consolation ; et sa sœur, dès lors, n’eut plus d’autre soin que de les écarter d’autour de lui.

Monsieur le duc d’Orléans avait pris très au sérieux son métier, comme il le disait lui-même, de prince royal. Il voulait être au courant de toutes choses. Il était très respectueux et fort tendre pour le Roi ; mais il n’entendait pas voir gâter les affaires de façon à lui rendre son avènement au trône plus difficile.

C’était la seule personne avec laquelle le Roi comptait toujours. Il avait coutume de dire à ses ministres : « Voilà qui est bien ; mais qu’en dira le seigneur Chartres ? » et, plus souvent encore peut-être, à sa femme et à sa sœur : « Découvrez ce qu’en pense Chartres. »

Ce frein était d’un grand avantage en arrêtant parfois des idées trop légèrement conçues.

Monsieur le duc d’Orléans pouvait se tromper, le déplorable testament livré à la publicité par l’indiscrétion de l’émeute n’en fait que trop foi ; mais il avait beaucoup d’esprit, la parole aussi facile et plus élégante que celle du Roi, et, pour le ramener par la discussion, il était indispensable d’avoir la raison de son côté. Cela profitait également au monarque et au cabinet.

La catastrophe qui enleva le jeune prince délivra le Roi de toute espèce de contrainte dans son intérieur.

Monsieur le duc de Nemours, plein d’honneur et de délicatesse, avait trop franchement accepté la position de cadet pour en changer. Non seulement il n’aurait jamais songé à contredire le Roi, mais il n’aurait pas même osé l’interroger, et on ne le consultait sur rien…

Sa timidité naturelle, jointe à l’habitude d’être tou-