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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ment, maintenant que le puissant lien qui l’y rattachait se trouve si cruellement brisé.

Je n’ai pas la pensée de jouer ici le rôle ingrat de prophète, mais il n’est pas difficile de prévoir qu’avec la distinction de son esprit, madame la duchesse d’Orléans ne se contentera pas du rôle de bonne de ses enfants, et que, si on ne lui fait pas une place politique dans l’État, elle devra être accessible aux ambitions qui ne manqueront pas de s’agiter autour d’elle.

Voici un mot de cette princesse, qui m’a fort touchée. Monsieur de Rémusat, admis dernièrement auprès d’elle, me racontait qu’en revenant sur le passé elle lui avait dit :.

« Lorsque je me suis décidée à venir en France, j’y avais longuement réfléchi. On ne m’avait pas épargné les avertissements sur les difficultés, sur les dangers même, où je m’exposais. D’autre part, je savais les brillantes qualités du prince royal, les vertus, l’union de la famille où je devais entrer…

« J’avais beaucoup pensé, beaucoup raisonné, je me croyais préparée à toutes les éventualités. Il y a une seule chose que je n’avais pas prévue… c’est que je serais la femme la plus heureuse qu’il y eût au monde ! »

Châtenay. — Mai 1843.