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MORT DU DUC D’ORLÉANS

avait ressenti en voyant cette pauvre mère entrer sous cette voûte qui renfermait déjà trois de ses enfants et venait de s’ouvrir une quatrième fois pour recevoir les restes de ce premier né, objet de ses plus chers amours.

Elle se prosterna sur le marbre en jetant des cris et des sanglots. Au bout d’un certain temps, ils s’apaisèrent presque subitement, et le silence devint si grand, si solennel, si prolongé que toutes sortes de craintes sinistres traversèrent l’esprit de madame Adélaïde, et elle se rapprocha suffisamment pour entendre une respiration contenue.

Quoiqu’un peu rassurée, elle hésitait à interrompre cette longue et immobile méditation, lorsque la Reine se releva, se redressa, et sortit d’un pas ferme du caveau.

Ses filles l’attendaient pour lui succéder dans les pieux devoirs qu’elle venait d’accomplir. « N’entrez pas là dedans, Victoire, dit-elle (Madame la duchesse de Nemours relevait de couche), sans mettre un châle. »

Chacun se regarda. C’était la première fois, depuis la fatale catastrophe du 13 juillet, que la Reine semblait s’occuper de quelqu’un ou de quelque chose qui n’y eût pas directement rapport.

À dater de cet instant, la Reine avait repris ses habitudes d’abnégation d’elle-même et d’occupation des autres. Madame la duchesse d’Orléans ayant eu une forte attaque de nerfs dans la voiture au retour, elle s’était empressée autour d’elle, et s’inquiétait aussi de la crainte de voir le Roi tourmenté du retard causé par cet incident.

Que s’est-il passé dans ce caveau ? C’est ce que personne ne sait. La mère a-t-elle fait au salut de son fils bien-aimé le sacrifice de cet égoïsme de douleur où elle s’était livrée jusque-là, et cet immense holocauste lui