je l’avais laissée si peu de jours avant. Ses discours étaient aussi contenus que sa personne était guindée : plus de larmes, plus d’abandon. Elle s’était imposé un rôle et le remplissait avec un bien pénible effort.
Elle me parla principalement du Roi et des enfants, espérant que le séjour au château d’Eu leur serait favorable. Le seul mot qui rappelât son récent langage fut : « Chartres croit les bains de mer très salutaires à ses enfants », mais dits avec un œil sec et une voix sans émotion.
Déconcertée d’un changement dont rien ne m’avait prévenue et ne sachant quel diapason prendre pour me mettre à l’unisson d’un état si évidemment factice, ne m’attribuant pas assez d’importance pour avoir pu personnellement m’attirer les froideurs de la Reine, dans l’abstraction de toutes choses où elle vivait, j’abrégeai ma visite. La Reine ne chercha pas à me retenir.
Je témoignai à madame Adélaïde mon étonnement de ce changement si prompt : « Vous ne pouvez en être plus surprise que nous, me dit-elle ; la métamorphose s’est opérée dans le caveau de Dreux. » Madame me fit alors le récit de la journée.
Parties de grand matin, les princesses étaient descendues de voiture à l’église. La Reine, encore alors, se montrait telle que je l’avais vue, affaissée, accablée, inattentive à toute chose, exclusivement occupée de ses souvenirs, de ses regrets.
Tandis que les princesses catholiques assistaient à la messe, madame la duchesse d’Orléans, accompagnée de la grande-duchesse de Mecklembourg, descendait au caveau d’où il avait bientôt fallu emporter la jeune veuve, tombée évanouie au pied du cercueil.
La Reine s’y dirigea après la messe, suivie seulement de madame Adélaïde. Celle-ci me dit le frisson qu’elle