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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

réunies, attendaient leur retour furent la conclusion de ces funérailles qui, pour les habitants de ce palais, duraient depuis vingt et un jours et avaient épuisé toutes les forces, hormis celles de la Reine que l’excitation fébrile soutenait. Elles cédèrent immédiatement après.

Je ne retournai à Neuilly que vers la fin de la semaine. La Reine était seule ; j’entrai dans sa chambre. Je la trouvai entourée de papiers, de dessins, de portraits, de modèles, de projets de statues, de monuments, etc., et accablée par sa douleur.

Elle ne l’acceptait pas, elle n’y était pas résignée ; elle la subissait et pliait sous son poids. Cela était exact, même au physique. Sa tête s’appuyait sur ses genoux, des torrents de larmes coulaient jusque sur ses pieds ; toute sa personne fléchissait.

Le sopha où elle était assise se trouvait couvert de lettres. Elle mettait en ordre toutes celles que monsieur le duc d’Orléans lui avait écrites depuis sa petite enfance et que l’amour maternel avait précieusement conservées. Elle en était arrivée à celles du voyage en Allemagne, en 1835.

Elle m’en fit lire de bien tendres et charmantes ; j’en ai retenu cette phrase : « Chère maman, je prétends au droit de vous aimer plus encore que vos autres enfants, car je suis l’aîné et je vous dois quelques années de plus de bonheur. »

« Hélas, s’écriait la pauvre mère, je l’aimais tant ! trop peut-être ! je lui ai dit bien souvent : « Chartres, lorsque je me présenterai devant Dieu, j’aurai à répondre de la faiblesse que j’ai pour toi !… » Mais il m’aimait bien aussi ! Nous nous entendons sur toutes choses, car Chartres et moi nous sommes toujours d’accord ! »