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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

offerts pour exécuter une messe et un Requiem en musique. Leur zèle avait été accueilli et les répétitions étaient en train, lorsque la Reine, qui se faisait rendre un compte exact de tous les plus petits détails de ces funèbres apprêts, en fut informée.

Elle s’éleva vivement contre cette musique profane. On crut devoir insister dans la crainte que, cette répugnance se trouvant attribuée à madame la duchesse d’Orléans, l’hostilité des partis ne s’appliquât à y découvrir une tendance aux formes protestantes.

La Reine eut de nombreuses objections à combattre, mais elle persista ; et, personne ne se sentant le courage d’aggraver par la contrariété un si profond désespoir, elle l’emporta.

Au reste, il est apparemment des circonstances si poignantes qu’elles désarment même les haines les plus acharnées. Car je ne crois pas que les commentaires redoutés aient été exprimés par aucun des organes accoutumés des plus fanatiques oppositions, quoique le plain-chant résonnât seul sous les voûtes de la cathédrale dont la sombre décoration était fort imposante..

Les étoffes noires ayant manqué, par suite d’une demande si générale et si imprévue, l’architecte conçut l’idée d’y suppléer en collant du papier noir sur toutes les parties planes et en réservant en blanc les moulures, les voussures, les colonnettes, enfin tous les détails d’ornement et d’architecture gothique de cet imposant monument. On m’a dit l’effet de cette décoration infiniment plus frappant que ne l’auraient pu être des draperies.

Pendant les deux journées de l’exposition à Notre-Dame, l’église fut constamment visitée par une population décente et silencieuse, témoignant de son respect et de ses regrets, aussi bien que la foule au moment du cortège. On entrait par la porte à la gauche du portail,