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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Felpham, mardi ai août 1800.

Vous ne recevrez que quelques lignes de moi aujourd’hui, ma bonne maman, pour vous gronder de l’inquiétude qu’exprimait votre lettre de samedi. Une fois pour toutes, rappelez-vous qu’éloignée comme je le suis de toute grande route il est très possible que la poste de traverse soit irrégulière, que, d’ailleurs, nous sommes à un mille et demi du post-office et que cela peut aussi apporter quelque retard à notre correspondance. Au surplus, quand même les lettres que je vous ai écrites auraient été perdues, la perte serait aussi mince que possible, attendu qu’il n’y a rien de moins intéressant que le bavardage que je vous adressais. — Nous avons une maison à Bognor que nous prenons par semaine ; elle coûte sept louis ; on la dit fort bonne. Je ne l’ai point vue, parce qu’elle est encore habitée par lord Digley qui ne part que demain ou même jeudi. Nous y entrerons le plus tôt possible. Cette maison est située dans le même bow que celles de la duchesse de Devonshire et de lady Bective. — Je n’ai encore rencontré personne à qui j’ai eu l’occasion de m’abaisser à faire la révérence. Jugez quel bonheur pour la fière Adèle ! — Voilà une lettre de maman, une autre de papa. J’y répondrai une autre fois, parce qu’aujourd’hui je suis pressée : nous devons aller à cheval dîner à Arundel et voir le château ; ce sera toujours quelque chose à faire. Je suis bien aise que vous ayiez reçu mes lettres, et j’espère que vous remarquez la douceur avec laquelle je reçois vos injustices, la force de l’habitude. Mille choses au bon abbé.