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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Felpham (Fahram), vendredi 22 août 1800.

Mais pourquoi donc ne m’écrivez-vous pas ? Il y a plus de huit jours que la minette n’a reçu un mot de ta main. — Je vous assure, mon cher papa, que ce silence m’afflige excessivement ; je voudrais quelquefois accuser la poste, mais votre lettre, dût-elle passer par Londres, cela ne pourrait occasionner que le retard d’un jour. Je n’ai point encore mes lettres d’aujourd’hui parce que la poste est à Bognor et que nous en sommes à un mille et demi au moins. — Voilà le froid et la pluie qui commencent ; j’imagine que nous en aurons pour longtemps ; ce qui ne contribue pas à rendre mon vilain séjour moins triste. Si nous n’entendons pas parler aujourd’hui d’une maison, j’espère que monsieur de Boigne se décidera à quitter ici, car partout je puis jouir des doux charmes de la solitude, et peut-être, au moins, parviendrai-je à me procurer un lit dans lequel je puisse dormir, une chaise pour m’asseoir et une cheminée dans laquelle on puisse faire du feu. Peut-être aussi pourrai-je avoir une autre vue que celle de quelques laitues entourées d’un grand vilain mur qui ajoute encore à la tristesse d’un parloir dont la petitesse n’empêche pas qu’il ait l’air d’un galetas, faute de meubles. Vous voyez, au moins, cher papa, que je pourrai difficilement perdre au change. J’ai un mal de tête fou qui m’oblige à quitter ma plume après avoir embrassé le père et le fils.



Felpham, samedi 23 août 1800.

Vous avez dû recevoir un petit billet bien maussade écrit par moi, Adèle, vers midi, hier. Je ne saurais vous