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CORRESPONDANCE

a voulu s’expliquer et je me suis éloignée du curieux impertinent. — Je crois que je finirai par aller à la Cour. J’ai rencontré l’Électrice à la promenade avant-hier ; elle était avec madame de Lerchenfeld ; elle m’a fait dire par cette dame qu’elle était un peu choquée de ce que je ne voulais pas la voir : elle est toute jeune et d’une superbe tournure ; je crois que je ne peux pas me dispenser d’aller chez elle, d’autant plus que cela n’est pas gênant ; elle vous reçoit seule chez elle, en petite robe, et il n’y a pas telle chose qu’un jour de cour. Je compte aller chez madame de Lerchenfeld et chez quelques dames françaises, car je veux profiter des spirits que me donnent mes lettres pour faire ces visites. — J’ignore toujours le moment de mon départ. Monsieur de Boigne garde là-dessus un silence uniforme et rigoureux qui me désespère ; je crains bien que ce ne soit pas avant Pâques, mais je me flatte que mon séjour ici ne sera pas plus long : indépendamment du désir que j’ai d’être auprès de vous, il me déplaît beaucoup.


Mercredi 2 avril.

Je ne vous ai pas écrit hier parce que j’avais mal à la tête et que j’ai été me promener dans l’espoir de le faire passer, ce qui n’a pas trop bien réussi. Cela ne m’a pas empêchée d’aller faire quelques visites le soir, entre autres chez madame de Polignac qui me paraît assez aimable, ainsi qu’une madame de Marcieu qu’on m’avait dit avoir un grand talent sur le piano-forte, mais cela est bien médiocre. J’ai vu chez ces dames la baronne d’Alingen que vous vous rappelez avoir vue à Constance et qui, depuis ce temps, s’est conduite de manière à n’être reçue que dans fort peu de maisons. On m’a forcée à chanter, et je m’en suis tirée avec la Biondina in Gondoletta. En sortant de chez mesdames de Polignac et de Marcieu, j’ai