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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Quoiqu’encore malade, maman est dans un état moins alarmant. C’est toujours quelque chose ; je n’ai jusqu’à présent des lettres que du 18 janvier, c’est-à-dire cinq ; mais j’en attends d’autres incessamment ; car, en me les envoyant, monsieur Gossler me mande qu’il y a encore sept malles dues. — Je vais répondre en courant à ce que vous me dites : 1o Papa me parle de ma modestie ! La lettre du 14 janvier (qu’il a reçue avant de terminer la sienne) a dû lui prouver que ce n’était pas cette vertu qui retenait ma plume, et non plus la vérité qui dirigeait celle des autres. J’y vois deux motifs : l’un serait un improvement, puisque ce serait se corriger d’un tort dont on a senti les inconvénients, l’autre, que je crois plus probable, le désir de faire entendre que l’absence est favorable à la paix. 2o Vous me blâmez de n’avoir point été à Copenhague ; cependant, je ne peux que m’en réjouir, car, indépendamment des fatigues et des difficultés de la traversée du grand Belt, j’y serais peut-être encore, au lieu d’être presque au bout de ce voyage qui me déplaît tant. Adieu, mes chers, chers, mille fois chers amis.

Me revoilà pourtant ; j’ai encore un petit moment et j’en profite pour causer avec vous. Il serait bien difficile de vous mettre exactement auprès de moi ; par exemple, il serait impossible de comprendre ma conduite ici sans Savoir que tout ce qu’on dit à l’évêque ou à mademoiselle de M., est immédiatement propagé par la voix du curé (que vous avez vu à Constance) dans toute l’émigration de Munich. Or, vous concevez que cette multiplicité de confidents nécessite le silence le plus rigide sur tous les sujets qui peuvent avoir le moindre intérêt : voilà ce qu’on apprend que sur les lieux. J’ai été abasourdie de m’entendre demander par un homme que j’ai vu deux fois si cela allait mieux, avec un air mystérieux. J’ai répondu que non, que j’étais toujours souffrante ; on