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CORRESPONDANCE

ne le sont pas toujours dans leur intérieur. — Aujourd’hui, je suis en pénitence, parce que c’est le jour fixé par monsieur Aguière pour le souper qu’il doit me donner et que, n’ayant pas d’autre raison pour refuser d’y aller, je compte faire dire que je suis malade, et, en vérité, ce ne sera pas mentir. — L’évêque et son amie ont été se promener dans ma voiture. Il dîne chez moi avec deux ou trois autres français. N’étant venue que pour mon oncle, je vis absolument parmi eux, mais leur ton me déplaît souverainement. — J’ai, depuis quelques jours, un piano forte et je fais venir un maître de chapelle qui accompagne passablement ; c’est mon seul délassement. — Adieu, mes chers amis ; je ne sais point du tout quand je partirai d’ici ; si je le demande, on répond qu’on l’ignore. Fasse le ciel que ce soit bientôt, car je ne respirerai que lorsque je serai réunie à ceux que j’aime avec tant d’ardeur. Adieu, mes seuls amis ; pourquoi m’avez-vous tant appris à vous aimer ?



Munich, jeudi 27.

Comme je ne suis pas sortie de chez moi hier, je n’ai à vous parler que de ma tendresse, sujet qui ne peut s’épuiser qu’avec ma vie. Depuis dix-neuf ans, je reçois tous les jours de nouvelles preuves de vos bontés, et, quand je commence à pouvoir vous prouver ma reconnaissance par mes soins et mes caresses, le ciel me prive de ce bonheur. En vérité, mes bons amis, il faudrait avoir beaucoup plus de mérite que je n’en ai pour ne point murmurer, pour ne point m’affliger. Il faut surtout être suivie d’un guignon bien guignonant pour, en près de cinq mois, n’avoir reçu que deux fois des nouvelles qui