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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

obligés de s’accrocher à de pareils espoirs ! — Il me semble, cher papa, que voilà bien du bavardage politique. Pour changer de langage, je vous dirai que j’ai été hier à l’Opéra dans la loge de madame de Lerchenfeld ; on donnait don Juan de Mozart, dont le marquis de Duras était si enthousiasmé il y a deux ans, enthousiasme que je partage depuis que je l’ai vu, car cette musique a besoin d’un grand orchestre et celui d’ici est excellent ; il y a, entre autres, un effet musical que je ne connaissais pas : au fond du théâtre, des ménétriers jouaient un menuet pour la société qui dansait, et, sur le devant, les principaux acteurs accompagnés de l’orchestre, chantaient sur une mesure très vive et à deux temps. Je ne sais si je m’explique, mais ce singulier morceau est charmant.


Mardi 25.

Vous dire que je suis triste, malade, mécontente de moi et des autres ne serait rien vous apprendre de nouveau, ainsi je n’en parlerai pas. J’ai reçu hier une lettre de lady Webb du 13 qui me mande qu’il y a six malles de dues et qu’il gèle plus fort que jamais : vous jugez combien cette nouvelle a dû m’égayer. Mais j’ai appris à me taire, et mes regrets sont si raisonnablement combattus que j’ai appris à n’en plus exprimer : baste ! — Lady Webb me dit qu’elle a fait une fausse couche peu de jours après mon départ. J’en suis fâchée pour elle ; elle a vraiment besoin de quelque chose qui la rende plus posée ; elle croit qu’elle sera à Munich incessamment. Je ne partage pas son opinion, le plan de sir Thomas étant évidemment de la retenir auprès de lady Clifford à moins que cette fausse couche, produit d’une scène, n’ait donné à lady W. des droits sur son mari. On se trompe bien sur les hommes et les plus gentlemanlike