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MORT DU DUC D’ORLÉANS

l’intérieur de l’appartement de la Reine, dans celui de Madame, lorsque, dans l’antichambre du Roi qu’il faut traverser, je rencontrai un ministre (monsieur Guizot) se rendant au conseil.

Il m’arrêta pour me dire la mort, fort imprévue, de Charles X. Je répétai ces paroles à madame Adélaïde en entrant chez elle et me trouvai ainsi lui en annoncer la première nouvelle, arrivée par le télégraphe à l’instant.

Après avoir causé du peu de portée politique de cet événement et de ses conséquences de famille pour les augustes exilés de Goritz, je demandai à Madame si on porterait le deuil comme pour un parent ou pour une tête couronnée. Elle réfléchit un moment : « Comme tête couronnée, sûrement ; le deuil au degré de parenté ne serait pas aussi long. » On voit que cela ne soulevait pas l’ombre d’un doute dans l’esprit de la princesse.

Le deuil fut décidé dans cette forme au conseil ; monsieur Molé me le dit le soir ; mais, dans cette même soirée, monsieur Dupin, président de la Chambre des députés, le maréchal Gérard, qu’on retrouve toujours quand il s’agit d’une pitoyable faiblesse, et le général Jacqueminot vinrent faire office aux Tuileries, en affirmant que toute marque de deuil ferait le plus mauvais effet dans la garde nationale et parmi les députés.

On ameuta quelques-uns de ces derniers pour en parler aux ministres le lendemain matin. Le parti bonapartiste s’évertua particulièrement, arguant de ce que la branche aînée n’avait pas porté le deuil de l’empereur Napoléon, tête couronnée s’il en fût, ointe par la victoire dans toutes les capitales de l’Europe et reconnue par le monde entier.

La décision prise fut remise en question ; le cabinet se partagea. Monsieur Molé, fortement appuyé par la Reine,