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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

l’écriture de mon frère ; on m’a dit que, sans doute, j’en avais beaucoup et qu’on serait bien aise d’en avoir ; hélas ! il a fallu faire un petit mensonge et dire que je croyais avoir brûlé tout ce que j’avais reçu, etc… Avis à mon Rainulphe que je presse contre mon cœur. — J’ai trouvé le bon évèque bien vieilli ; il est cependant en assez bonne santé et mademoiselle de M. ne m’a pas l’air aussi malade que je la croyais, à l’exception de son extinction de voix qui n’est pas aussi marquée que celle de mademoiselle Wilkès. — Nous dînons aujourd’hui chez l’évêque à une heure et demie. Il m’a parlé, hier, de dîner chez lui tous les jours et de faire un arrangement à cet effet ; mais monsieur de B. n’accepte pas cette proposition et je n’en suis pas fâchée, car il est toujours bien incommode de n’avoir pas un bouillon chez soi. Mon oncle est très décemment logé ; je ne pourrais mieux comparer sa société, par ce que j’en ai vu, qu’à celle de l’archevêque ; il y a de même quatre vieux hommes en pension ; et la maison ne désemplit pas de gens qui viennent faire la partie de trictrac de monseigneur. Du reste, on y règle les destins de l’Europe tout comme à Londres. Les étrangers croient qu’on meurt de faim en Angleterre parce que nos lords ne mangent plus de pâtisserie, mais, moi, je les rassure. — Le baron de Bollès est parti hier pour Augsbourg ; il a fait ici un pompeux éloge de mes grâces, de ma beauté, de mes vertus et surtout de mon extrême politesse ; il a chargé mademoiselle de M. de dire à madame de Boigne combien il était fâché de partir sans avoir l’honneur de la voir, etc… Je vois que, du moins, il sait prendre parfaitement l’air du bureau et j’en suis charmée pour le destin de la France : c’est un talent fort utile pour un ambassadeur, mais, pour un suisse, c’est un peu fin. — Mademoiselle de M. m’a parlé du fléau de nos familles : je l’ai comprise