Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

n’est que ce matin que nous sommes arrivés ici. — Gotha est une ville charmante. Le palais est fort beau ; je ne suis pas entrée dedans ; mais j’en ai fait le tour en voiture. Je ne saurais vous exprimer à quel point ce voyage me fatigue : je suis comme battue depuis deux jours, tant le chemin est cahotant. — Je compte écrire au bon évêque aujourd’hui pour lui apprendre notre marche et lui dire que, mardi prochain, j’espère l’embrasser. Quand, mes bons amis, pourrai-je vous en mander autant ? C’est le premier de mes vœux. — Si je ne craignais pas que vous vous moquassiez de moi, je vous raconterais que, ce matin à Longrensalz où nous avons couché cette nuit, un petit doguin est entré dans ma chambre ; la pauvre bête a sauté sur mon lit ; je lui ai donné un morceau de pain ; elle en a mangé un entier ; elle était starved ; je l’ai plainte ; je l’ai aimée ; je l’ai achetée et elle est devenue la compagne de mon pèlerinage : voilà toute mon histoire. Je réclame d’avance l’amitié de mon Rainulphe pour Coralie qui est, je vous assure, une fort jolie chienne et que je ne gâterai pas, j’espère. — Je ne sais, en vérité, ce que j’écris, car je dors toute en vie. Adieu, mes bons et chers amis ; je vous embrasse comme je vous aime. Parlez de moi aux O’Connell ; mille choses au bon abbé que je n’ai pas encore remercié de m’avoir donné les détails de la maladie de maman. Adieu encore, mes excellents et adorés amis.

Comme je finis cette lettre, mon cher mari, assis auprès de moi, me témoignant beaucoup d’amitiés, me charge de vous assurer de ses respects et de son amitié dans la confiance que vous voudrez bien lui accorder la vôtre nécessaire à son bonheur. — Adieu, mes bons amis.