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CORRESPONDANCE

Brunswick. Cette ville, ou plutôt ce bourg, m’a fait faire de bien douloureuses réflexions sur les variantes attachées au sort des malheureux mortels. Le château qu’habitait Louis XVIII est décent, les environs sont charmants ; tout le pays jusqu’à Stolberg est extrêmement pittoresque ; les forêts, blanchies par la neige, ont un effet nouveau pour moi et d’autant plus agréable que les inégalités des touffes de neige forment une espèce de chiaro oscuro que je ne saurais expliquer mais qui m’a beaucoup plu. — La grande quantité de neige qui est tombée depuis notre départ de Hambourg rend les routes pénibles et même dangereuses dans les pays de montagne comme ceux-ci ; nous avons été vingt fois au moment de verser, mais, jusqu’à ce moment, nous nous sommes sauvés des accidents de tous les genres. — Je finirai ma lettre demain à Gotha. On dit que c’est une jolie ville, mais je ne serai guère à même d’en juger, car nous n’arriverons que tard, ayant cinquante-quatre milles à faire d’ici là. — Je suis bien malheureuse d’être si longtemps sans nouvelles et d’autant plus que la rigueur de la saison ne semble pas m’en promettre encore : en vérité, cet hiver est plus rigoureux que le dernier ; il l’a été pour moi du moins dans tous les genres. — Vous ai-je dit que j’avais écrit à mademoiselle de Werthern aussi aimablement qu’il est en moi ? — Adieu ; j’écris sur mes genoux, huchée sur une chaise d’une toise de haut, sans tabouret, et je vous quitte pour aller manger un morceau de saucisse bouillie et de la choucroute avec du pain de son. C’est à la lettre que nous mourons de faim.

Gotha, mardi.

Quoique nous ayons été en voiture hier depuis sept heures du matin jusqu’à onze heures du soir, nous n’avons jamais pu faire que quarante milles anglais et ce