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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Et pourtant, il le faut dire, la duchesse de Maillé a de l’esprit. Non seulement elle croit être parfaitement modérée, mais elle en est accusée par les gens de son parti. On peut juger, d’après cela, de quels yeux ils envisageaient un événement qui, le surlendemain d’une si terrible calamité, inspirait de telles paroles à une personne qui prétendait témoigner d’une certaine bienveillance et d’une complète impartialité.

Avertie par ce grand cœur qui ne lui fait guère défaut surtout dans la mauvaise fortune, madame la Dauphine se conduisit tout autrement. Elle prit le deuil de monsieur le duc d’Orléans, fit faire un service pour lui dans la chapelle de Kirchberg et manda à l’impératrice d’Autriche ne pouvoir se rendre à Vienne pour s’y trouver le jour de sa fête, selon son usage : « Je suis atterrée, disait-elle ; sans s’expliquer autrement, par l’événement de Paris. C’est, pour nous, un chagrin de famille. »

La copie de ce billet, envoyée par monsieur de Flahaut, produisit une vive émotion à Neuilly. Le Roi répondit sur-le-champ à son ambassadeur, et sûrement bien, car il était profondément touché. Je crois savoir que ses paroles furent officieusement transmises à Kirchberg.

Il est des précipices que rien ne peut combler, mais il est toujours désirable d’en voir adoucir les pentes. Ce fut une nouvelle occasion de déplorer, plus vivement encore, la concession qu’une fausse politique avait arrachée à la famille royale, en l’empêchant de porter le deuil du roi Charles X.

Il faut rendre à chacun ce qui lui appartient : Si le deuil du roi Charles X n’a pas été porté, ce n’est pas la faute de la famille royale, ni du ministre principal à cette époque (monsieur Molé).

Voici ce qui m’est arrivé à moi-même. Je passais, par