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CORRESPONDANCE

en France, il doit peu savoir ce qui s’y passe. — Ce pauvre monsieur de Vibraye doit être bien heureux ; faites-lui mon compliment, je vous prie, en l’assurant de la part que je prends à un bonheur que ses vertus ont si bien mérité. — Tout le monde s’accorde à approuver et à admirer la conduite de Monsieur : il a d’autant plus de mérite que sa position est certainement difficile. — Emmanuel d’Harcourt était, l’autre jour, chez lady Crawfurd où l’on a beaucoup parlé du mariage de son frère ; on a voulu me faire deviner qui il épousait ; je ne l’aurais pas deviné en cent. — J’ai été hier chez lady Webb qui ne m’a pas reçue, ainsi que lady Clifford qui était à table ; ainsi, j’ignore l’état de lady Webb, mais, d’après ce que lady Crawfurd m’a dit, elle a fait une fausse couche. — Le baron de Breteuil est venu chez moi hier au soir ; je ne l’ai pas vu parce qu’étant un peu souffrante je m’étais couchée de bonne heure ; il a passé une heure avec monsieur de Boigne. J’imagine que cela veut dire que je devrais aller chez madame de Matignon ; malheureusement, j’ai l’ouïe dure. — J’ai été à deux comédies, cette semaine, qui m’ont fort divertie : l’une était la Métromanie que je ne connaissais pas ; quoiqu’indignement jouée, il y a beaucoup d’intérêt, de gaieté, mais, surtout, il y a des vers qui, en dépit des acteurs, m’ont paru sublimes, entr’autres, une scène (dans laquelle Damis explique à son oncle les raisons pour lesquelles il préfère la poésie au barreau et à la magistrature) m’a fait le plus grand plaisir. Le père de Famille, qu’on a donné le lendemain, m’a intéressée : il y a des moments de passion assez bien rendus, mais les situations touchantes ne sont pas soutenues et l’on se refroidit en attendant qu’elles reviennent. — Adieu, mes bien chers amis ; je vous aime de toute mon âme.