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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

compte me tenir à une distance très respectueuse du théâtre de la guerre qui, depuis que le retour des russes est certain, paraît devoir être fort active ; selon moi, Munich est déjà bien voisin des armées. Monsieur de B. n’a pas voulu me montrer les lettres de ses sœurs parce que, dit-il, il y a trop de détails. Quelle drôle de raison ! si je les vois, comme je l’espère, je compte qu’elles m’en apprendront bien davantage. — Je vais ce soir chez monsieur Schramm ou, plutôt, monsieur le général de Boigne et sa dame y vont car c’était ce que portait le billet d’invitation. J’imagine bien que le meilleur ton n’y régnera pas, mais tout le monde y va et, d’ailleurs, il faut bien voir les usages des pays où le sort vous conduit. J’ai cherché à me mettre simplement sans cependant affecter un déshabillé qu’on m’avait conseillé et qui, dès lors, pouvait être désobligeant pour les maîtres de la maison. — Adieu, mon cher papa ; je vous parlerai demain de la grande fête de ce soir.


Vendredi 21.

Cela s’est très bien passé, je vous assure, beaucoup mieux que je ne m’y serais attendue. Ayant été à la Comédie, je ne me suis rendue chez monsieur Schramm qu’à neuf heures. J’ai été reçue fort poliment et placée entre madame de Moravief (la femme de l’envoyé de Russie) et madame Gossler qui fait assez passablement les honneurs de la maison de son père. Bientôt après, on s’est mis à table, et c’est bien dit, car il n’y avait rien dessus, mais un assez grand nombre de valets ont fait tourner autour de la table des plats découpés : cela n’avait pas bonne mine, mais c’est l’usage du pays chez tout le monde, ainsi que le ducat qu’il faut donner aux gens en sortant ; ce qui ne l’est pas, je crois, est l’anecdote de ce matin. À neuf heures, monsieur Schramm m’a envoyé