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CORRESPONDANCE

raisons qui m’ont empêchée d’aller à Copenhague : vous me connaissez assez pour croire que ce ne sont pas les dangers du passage qui m’ont retenue ; la raison que j’avais donnée de ne vouloir pas faire cent milles en charrette n’existait plus parce que monsieur Duntzfelt m’avait envoyé une voiture à Korsör, et je me serais alors décidée à partir si monsieur de B. n’avait pas, avant que j’apprisse cette nouvelle, annoncé le dessein d’aller seul finir ses affaires, ce que j’ai préféré, d’abord parce que l’excuse des glaces en aurait été une excellente pour me retenir là jusqu’au mois de mars et puis que l’état de ma santé ne me permettait pas de m’embarquer avant le 30 au plutôt. C’était donc du temps gagné de toutes les manières ; de plus, je savais que vous, ma chère maman, n’étiez pas sans inquiétudes sur mon séjour à Copenhague et j’ai voulu vous les épargner. D’ailleurs, la solitude convient beaucoup mieux à la situation de mon âme que le bustle d’une cour où je me serais précisément trouvée pendant le fracas du carnaval et où je me serais vue obligée de me livrer à ce qu’on appelle les plaisirs pour pouvoir la quitter. Je n’ai jamais été plus fatiguée de mon être que pendant les derniers jours de mon séjour à Altona où il a fallu paraître m’amuser ou me décider à passer l’hiver ; il n’y a rien qui fatigue autant que des false spirits. — Si j’avais cru à l’absence du général, je vous aurais évité l’ouvrage que vous donnera sans doute l’énigme expédiée par Anne, il y a quelques jours, et qui vous parviendra peut-être longtemps avant cette lettre parce qu’elle passera par la France avec la poste danoise et que j’envoie les miennes à messieurs Gossler pour les faire passer à Cuxhaven. — Je vais vous raconter le fait dont elle vous parle, un peu plus clairement, j’espère. Depuis notre départ d’Altona, nous étions assez mal ensemble et monsieur de B. avait