Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
CORRESPONDANCE

inondé quand il n’est pas noyé. Deux femmes qui sont arrivées il y a quatre jours avaient un pouce de glace sur toute leur personne : je n’en crois rien, mais je vous répète exactement le propos qu’on m’a tenu. — Adieu, ma bonne maman, je vous embrasse pour aujourd’hui. Avez-vous reçu ma lettre du quatorze écrite d’Odense ?


Samedi 18.

Les événements de ma vie, tant que je resterai ici, ne seront pas très variés ni très intéressants. Le silence qui continue à régner autour de moi ne permet à ma situation de changer en aucun genre. Je voudrais bien savoir ce que la divine dit de mon sort à venir, car je ne me flatte pas qu’elle ait perdu ou qu’elle perde jamais son influence : on la connaît tout comme nous ; il n’est pas question de dessiller les yeux pour montrer un monstre ; au contraire, la connaissance parfaite qu’on a de sa méchanceté n’est qu’une raison pour l’aimer davantage. J’avoue que, plus je réfléchis au genre de sentiment que cette femme peut inspirer, moins je le conçois… enfin ! — J’ai lu dernièrement un livre qui m’a fort intéressée : c’est une espèce de pamphlet journaliste intitulé Précis des événements militaires. Cet ouvrage, dont il n’a encore paru que sept numéros, rend compte très clairement de la campagne très embrouillée de 99 ; il me semble que le style qu’on a adopté convient parfaitement à la grandeur du sujet par sa simplicité ; mais le morceau qui m’a paru le mieux fait est le premier où l’on rend compte de la situation de la France lors du traité de Léoben et à sa rupture ; je voudrais que papa lût cet ouvrage ; je crois qu’il l’intéresserait et puis je serai bien aise qu’il m’en mandât son opinion. — On me promet que, si le temps qu’il fait depuis deux jours dure encore cinq ou six jours, nous