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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

gers qui viennent de Copenhague disent avoir été huit jours sur une petite île déserte au milieu du Belt où ils ont pensé périr de faim et de froid, sans que les glaces leur permissent d’en sortir. Vous voyez que ces détails sont encourageants ! au surplus, dites bien à maman de ne pas s’inquiéter : car même ma prudence est fort peu nécessaire et sûrement, si nous courons quelque danger, ce sera à notre insu. — Nous avons été retenus deux jours à Snoghoy, quoique la mer soit beaucoup moins large en cet endroit que la Tamise ne l’est à Londres, mais la communication n’est généralement entretenue que par des bateaux fort petits, et, comme il en fallait un beaucoup plus grand pour transporter nos voitures qui ont passé dans le même sans être démontées, il a fallu élargir de passage qu’on avait fait dans la glace pour les petits bateaux. Je ne puis mieux comparer cette navigation qu’à la chute d’un vaisseau qu’on lance, excepté que la quille touche l’eau. — Au surplus, nous avons envoyé John à Nyborg pour savoir en détail de quelle manière il sera possible que nous nous rendions à Korsör. On dit qu’il faudra laisser nos voitures, mais, sûrement, je n’y consentirai jamais parce que je ne me sens pas la force de faire cent milles en Zélande, au mois de janvier dans des charrettes absolument découvertes, car les Stool waggons, qui sont les seules voitures de postes, ne sont pas autre chose. — Il y a un monsieur le comte de Stolberg qui poursuit la même route que nous : c’est un jeune homme de très bonne maison et qui nous a fait toutes les avances qu’un gentleman peut faire, mais nous les avons reçues avec plus que de la froideur. Il s’est contenté de nous faire une première visite que je n’imagine pas qu’il soit tenté de renouveler. J’en suis fâchée car il me semble que sa présence eût été un délassement à l’ennui que doit infailliblement causer le voyage que je fais, qui