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MORT DU DUC D’ORLÉANS

complète, et l’on peut dire qu’il l’avait emportée à la pointe de son mérite, car, dans les premiers temps de la révolution de 1830, il y avait eu d’assez justes préventions contre lui.

Des idées de faux libéralisme, nées de la position où on l’avait élevé et mal digérées, des camaraderies d’école, plus mal choisies encore, qu’il lui fallut enfin rompre, l’avaient entraîné dans des situations très fausses dont il s’était tiré avec esprit mais non pas sans provoquer d’assez graves animadversions et exciter l’inquiétude des gens sages. Il avait surmonté tous ces obstacles et consolidé sa position sur les bases les plus favorables et les plus utiles, à l’époque où les inscrutables desseins de la Providence l’ont enlevé à la France.

Seuls, dans le royaume, les légitimistes poussèrent un cri de joie à cette affreuse catastrophe, et, dès le soir même, la Gazette de France l’enregistra. Le dégoût général qu’il inspira la fit ensuite désavouer, mais elle avait été le fidèle organe des sentiments de son parti.

Un exécrable quatrain, sur ce que le fils de Louis-Philippe devait périr par un pavé, sur le chemin de la révolte, circula dans les salons, pendant ces premiers jours, avec pleine approbation, et les dames qui les peuplaient affectèrent de se montrer parées des costumes les plus flamboyants. Cependant, soit que des chefs plus sensés donnassent d’autres instructions, (car ce parti, tout absurde qu’il se montre, est singulièrement discipliné), soit qu’il craignit d’exciter par trop d’irritation contre lui, les démonstrations joyeuses furent assez promptement suspendues, et les costumes devinrent plus modestes.

L’indignation causée, par la première attitude, aux étrangers dont l’influence sur le monde du faubourg Saint-Germain est d’autant plus grande qu’il rêve toujours des appuis au delà des frontières, et le refus simul-