Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
CORRESPONDANCE

pourrai, je tâcherai qu’aucune malle ne parte sans vous porter de mes nouvelles, mais, si cela arrive, ne soyez pas inquiets ; soyez sûrs que je ne ferai pas d’imprudences. Adieu ; je vous embrasse du plus tendre de mon cœur qui ne bat que pour vous. Ah ! mes amis, quand nous reverrons nous ? Je remercie le bon abbé de son petit mot. Je crains que mon frère ne trouve ces jonchets, tant vantés, bien vilains.



Bemmels, lundi, 6 janvier.

Je vous écris, chère maman, dans l’espoir de pouvoir faire mettre ma lettre à la poste à Schleswig où j’imagine que nous arriverons demain, quoique nous en soyons encore à sept milles d’Allemagne et que nous n’ayons pas pu parvenir d’en faire trois aujourd’hui ; mais, véritablement, les chemins sont détestables au point, par exemple, que nous n’avons pas fait un quart du chemin sur la grande route et que, le reste du temps, nous avons été obligés de voyager de champ en champ en passant la voiture à bras par dessus les haies qui les séparent. Enfin, c’est un bonheur inconcevable que nous n’ayons pas versé trois ou quatre fois ; du reste, nous sommes entrés dans une auberge où il n’y a pas eu de feu depuis un mois que dans la chambre à fumer qui nous est commune avec nos postillons, ce qui me serait fort égal si ils n’y fumaient pas, mais j’aime encore mieux geler qu’étouffer. Mon compagnon de voyage supporte ces contrariétés d’une manière divertissante pour moi : il se plaint de tout, et regrette surtout son départ d’Altona, se prend à moi de tout ce qu’il souffre, s’impatiente de ma patience et voudrait pour tout au monde que je me plaignisse autant