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CORRESPONDANCE

lettre dont j’ignore le sort, que le dîner de mardi dernier, donné par nous chez Rainville, s’était très bien passé, que madame de Lorraine avait fait tout au monde pour me retenir jusqu’à lundi parce qu’elle avait arrangé une fête dont j’étais l’objet pour ce jour là, que monsieur de Guines m’avait fait mille amitiés et m’avait donné plusieurs lettres pour Copenhague, que les d’Havré et cette bonne lady Clifford avaient été, comme à leur ordinaire, adorables pour moi, enfin que j’avais fort bien chanté, quoique très mal accompagnée par D. qui avait l’air charmé et qui probablement vantera d’autant plus mon talent que je lui ai fait donner dix guinées pour la soirée qu’il a passée chez moi. Vous jugez bien qu’avec ces moyens là on a une voix céleste. Je vous disais aussi que, malgré l’attente des lettres et même peut-être des personnages qu’on m’avait annoncé devoir nous retenir longtemps à Altona, il n’en a plus été question depuis le jour où je vous ai rendu compte de la courte conversation que cette nouvelle avait occasionnée et que, du reste, tout était dans l’ordre accoutumé : très mal, sans scènes. Il y en a cependant eu une petite en public sur ce qu’on a voulu me faire des plaisanteries sur ma tristesse, auxquelles j’ai répondu froidement mais d’une manière décidée, en disant ouvertement les raisons qui la causaient. L’extrême jalousie qu’avaient inspirée les soins (de pure politesse) de sir J. W. m’a presque amusée ; elle avait succédé, elle a succédé à celle qu’avait inspirée John et m’était infiniment plus commode. J’ai été, pendant un moment, décidée à en faire part à la femme : mais elle est trop légère et trop conteuse d’histoires ; j’en ai trop mauvaise opinion, enfin, tout lui est bon pour faire des tracasseries et il lui faut bien peu de fondement pour fabriquer des calomnies atroces ; je ne conçois pas où elle a pu pêcher tout ce qu’elle m’a raconté ! Si je pouvais vous le dire, cela vous ferait