Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

peu de consolation que dans la compagnie des d’Havré. Le duc aime tant madame de Solre ; il est dans une telle agitation en la voyant destinée à figurer dans une contredanse de belles danseuses, et dans une telle joie en la voyant les éclipser toutes que je ne peux m’empêcher de l’aimer de tout mon cœur. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas dire ce qu’on éprouve, mais la perfection n’est que pour un seul. — Je ne suis pas sortie depuis plusieurs jours, seulement hier pour aller chez lady Clifford, pour plusieurs raisons : ma santé et l’extrême jalousie qu’on a de sir J. W. sont les principales. On m’a fait part assez paisiblement des sentiments qu’on éprouvait et je me suis soumise de bonne grâce, quoique l’absurdité d’une pareille idée doive sauter aux yeux de chacun. Au surplus, comme cette société n’a pas grand charme pour moi, je n’ai pas eu un grand mérite à m’en éloigner. — Demain, nous donnons un grand dîner chez Rainville. C’est une restoration (cela s’appelle ainsi) où tous les habitants d’Altona donnent à dîner. Ce sera la Gerbe, et, vendredi, je crois que nous partons décidément. Les convives seront… Mais à quoi servent des noms ? Tous les gens qui m’ont fait des politesses. Mistress Cockburn demeure dans cette maison, mais je ne crois pas qu’elle vienne parce qu’elle a manqué se rôtir l’autre jour, que monsieur Cockburn a manqué se brûler en éteignant le feu, qu’on a manqué lui couper la main hier, parce que la gangrène a manqué se mettre à sa brûlure, et, enfin, j’espère qu’il ne manquera pas d’en guérir, attendu que quelques mal-intentionnés prétendent qu’il en est quitte pour deux grosses ampoules. Au surplus, j’ai fait à cette occasion tout ce que vous auriez pu me conseiller : je me suis tue et j’ai envoyé savoir des nouvelles. Madame de Solre ayant exprimé le désir d’entendre Dussech qui est ici, je me le suis procuré ; ainsi