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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

cœur peut bien sentir toute l’étendue d’une douleur aussi légitime ; embrassez-la pour moi. — Dites à Émilie que je la prie d’apprendre mon nom à Georgine et qu’il faut qu’elle dise « Adèle » à mon retour. — Monsieur de B. m’a donné un fort beau manchon de martre : on ne demanderait pas mieux que de me combler de présents, mais il paraît que je les reçois si mal et que je suis si indifférente qu’en vérité ce serait pitié ! — Ma chère maman, je vous supplie, si vous êtes sans lettres de moi, ne soyez pas inquiète et croyez que l’impossibilité que les lettres vous parviennent est la seule chose qui les retienne pendant mon voyage en Danemark. J’ignore si je pourrai même vous en envoyer ; mais j’en aurai toujours une de prête pour profiter de toutes les occasions que je rencontrerai. J’ai oublié de numéroter mes lettres, mais vous verrez bien, par les dates, s’il y en a quelques-unes de perdues. — J’embrasse mon cher enfant ; dites-lui que, si je ne lui ai pas écrit, c’est parce que je n’ai encore rien vu dont le récit fût digne de lui et qu’il n’en tient pas moins sa place dans mon cœur.


Vendredi 19.

Mon monde sort de chez moi dans la minute et je n’ai que le temps de vous embrasser avant l’heure de la poste. — Sir Thomas et lady Webb, le duc et la duchesse d’Havré avec leurs filles formaient toute la société. La matinée s’est passée assez gaiement ; je n’ai pas mal chanté. Tout le monde se réunit pour chercher à me retenir, mais j’espère toujours partir jeudi. La princesse de Lorraine m’a écrit pour me proposer d’aller déjeuner chez elle mardi, mais je n’irai pas : il fait trop froid et Blankenesse est trop loin. — J’ai été hier chez lady Clifford ; je ne peux pas dire que la société y soit fort