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CORRESPONDANCE

une pelisse que j’ai fait faire pour elle et dont l’utilité diminuera chaque jour. — Adieu, mes bons amis, parlez de moi souvent à tous ceux qui m’aiment et surtout à ces excellents O’Connell. Hier, il y a eu un mois que je vous ai quittés et, avant hier, dix-huit que je suis mariée. Je ne suis pas fâchée que ces deux tristes époques se trouvent réunies.


Altona, dimanche 15 décembre.

Depuis huit mortels jours, mon excellente maman, je suis sans lettres de vous et je vous assure que ce manque des nouvelles qui m’intéressent le plus au monde n’a pas servi à me rendre moins malheureuse durant cette éternelle semaine. Je suis horriblement souffrante ; j’ai la maladie du pays d’une manière affreuse, et elle en a amené beaucoup d’autres ; avec cela, je fais contre fortune bon cœur. Je crois cependant que la vie que je mène contribue à altérer ma santé, et je voudrais, par raison, trouver l’occasion de me dissiper un peu, car, l’ennui, dit-on, n’engraisse que les sots, et j’ai à ce compte là beaucoup d’esprit. Mais, ici, je ne connais personne et n’ai pas le moyen de faire des connaissances. Je n’ai pas été chez madame de Viguier et je n’approuve pas beaucoup le plan de monsieur de Boigne qui me propose d’y aller en l’assurant que je ne croyais pas le mariage aussi prochain. Il me persécute pour me faire accomplir ce beau chef d’œuvre. J’ai rendu à madame de Solre la visite qu’elle m’a faite ; je ne l’ai pas trouvée. Ainsi, depuis huit jours, la seule figure humaine que j’aie vue est celle de madame de Vaudémont qui sort de chez moi où elle a passé un quart d’heure. Mais, ce