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CORRESPONDANCE

m’ennuyait à la mort. Mon Dieu, comme je [bavarde] ! mais, je suis en train de jaboter ce soir, et à qui puis-je dire mes petites sottises plutôt qu’à vous dont je connais l’indulgence et la tendresse. Allons, mademoiselle, taisez-vous et allez vous coucher. Ce ne sera pourtant pas avant d’avoir embrassé les habitants de Queen Anne street. Je dis bien vrai quand je vous assure que je ne rêve qu’à vous !


Vendredi 13.

Je ne t’ai pas écrit hier, cher papa, parce que j’ai passé toute la soirée à dire et à m’entendre dire amicablement les choses les plus dures et les plus offensantes ! Je ne conçois pas moi même comment les scènes les plus violentes ont pu s’échanger dans ce calme parfait qui fait qu’après avoir écouté pendant cinq heures d’horloge toutes les injures les plus infâmes, j’ai été me coucher sans avoir éprouvé un moment d’impatience. Je crois que j’ai été si malheureuse, que j’ai souffert si cruellement depuis dix-huit mois que je ne suis plus susceptible d’être affligée par ces mêmes choses qui, il y a quelque temps, me mettaient la mort dans l’âme. Maintenant, tout mon espoir est dans mon retour à Londres, et tout ce qui ne tend pas vers ce but glisse sur mon cœur sans l’effleurer. — Oh ! oui, mes amis, je ne vis que dans l’espoir de voir arriver ce moment si désiré qui doit me remettre dans vos bras. Si on pouvait juger de nos intentions comme de celles d’un autre, je croirais que cette époque tant désirée est plus éloignée que jamais, mais vous savez que c’est une raison de croire que nous serons à Londres dans un mois. — J’ignore quand nous devons quitter ce triste lieu. Aux demandes que j’ai faites à ce sujet, on m’a répondu qu’on attendait des