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CORRESPONDANCE

min doive me rapprocher de Londres. — Le duc d’Havré est venu chez moi hier et m’a dit qu’il espérait me faire faire connaissance avec ses filles. Or, j’ignore absolument qui sont ces dames, mais j’imagine que je le découvrirai avant que vous ayiez le temps de me le mander. — Lady Webb est encore ici ; j’imagine que nous n’aurons pas beaucoup de rapports ensemble ; au surplus, ce sera comme elle voudra. — Mademoiselle de Viguier se marie la semaine prochaine ; elle épouse le consul d’Angleterre ; on dit que c’est un assez bon parti. — À la maison, tout est dans l’ordre accoutumé, si ce n’est les extrêmes tendresses que l’on fait à Anne. Je cherche en vain à en découvrir le motif ; elle croit que c’est dans l’espoir de m’inspirer le sentiment dont on est si cruellement tourmenté. Cet accès de bonté a commencé à bord du bateau où j’ai fait quelques plaisanteries sur les services qu’il lui avait rendus pendant qu’elle était malade, car elles l’étaient, toutes les deux, et nul mortel n’osait approcher, du sanctuaire où je vomissais !… On n’a pas remis au baron la lettre de la divine, à laquelle je vois qu’on n’a pas écrit depuis son départ de Londres. Ce long séjour à Hambourg m’avait d’abord alarmée ; mais je cherche à me persuader que c’est à tort. Si vous pouvez vous procurer des éclaircissements sur la bizarre histoire dont je vous ai parlé, j’en serai charmée. Il est possible que ce ne soit qu’une fable inventée pour me tourmenter. — J’attends des lettres avec bien de l’impatience et j’espère en avoir aujourd’hui ou demain. Ma santé est passablement bonne ; je mange, je dors, mais je ne pense pas vaincre le ver rongeur qui me dévore, et mes rêves surtout me tournent la tête ; je sais bien que c’est une bêtise, mais ils m’affligent à un point ridicule et je mets souvent plusieurs heures à triompher de l’impression qu’ils me laissent. Je sais bien que je n’ai pas besoin de rêves pour être malheureuse,