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MORT DU DUC D’ORLÉANS

Au reste, pas un œil n’était sec autour de cette royale demeure. Des gens en pleurs interrogeaient, et on leur répondait à travers les sanglots.

L’intérêt n’y était pas exclusivement concentré. Il se reportait en partie sur la pauvre princesse, qui, à cette heure encore, jouissait de la plénitude d’un bonheur détruit pourtant à jamais. On calculait par avance à quel instant il lui serait arraché, et une vive pitié s’associait à sa pensée. Ses enfants avaient été mandés du château d’Eu où ils prenaient les bains de mer ; on les attendait dans la journée.

Munie de ces tristes renseignements, et ne pouvant être d’aucune utilité à la Reine, je retournai à Châtenay. Très souffrante dans ce moment, je sentais le besoin d’un peu de repos.

Madame la duchesse d’Orléans était depuis dix jours à Plombières où son mari l’avait conduite. Il devait l’y aller reprendre, le 24 de ce même mois dont le terrible treize se trouvait marqué d’un si affreux malheur.

Le télégraphe en communiqua la nouvelle à Nancy le jeudi matin. Elle fut immédiatement et abruptement donnée à monsieur le duc de Nemours. Abîmé dans sa douleur, il n’eut qu’une pensée, celle de revoir encore une fois le corps inanimé de son frère bien-aimé, et se précipita sur la route de Paris, en recommandant d’expédier un courrier à Plombières.

Celui-ci étant arrivé pendant la promenade de madame la duchesse d’Orléans, le préfet eut le temps de fabriquer une dépêche moins foudroyante que celle expédiée de Nancy, et les gens de la princesse de s’apprêter au départ.

Elle en donna l’ordre dès en apprenant que le télégraphe annonçait monsieur le duc d’Orléans indisposé et ne pouvant partir pour Saint-Omer : « Je serai grondée,