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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

blant, ne me déplaise infiniment, mais il faut bien en passer par là. Ce matin, j’ai vu arriver sur la place du Marché, où est située l’Angel Inn que nous habitons, le 35e régiment qui venait de débarquer. Pendant qu’on leur distribuait les billets de logement, la mine qu’ils faisaient n’était pas propre à me rassurer sur le supplice que je vais endurer ; car je vous assure qu’ils avaient l’air bien mal à leur aise. — Vous continuerez à m’écrire ici, cher papa, jusqu’à ce que vous me sachiez positivement embarquée, car nous pouvons partir dans huit jours comme demain. — J’espère savoir aujourd’hui par votre lettre ce qu’il y a de nouveau pour la France ; je voudrais bien, assurément, voir le roi sur le trône, mais, égoïstement parlant, j’aimerais encore mieux voir dépeupler le royaume de Manchester. Peut-être que, lorsque tous les habitants seront dispersés sur un plus vaste territoire, ils seraient moins à même de se déchirer les uns les autres. — Dites à monsieur l’évêque de Moulins que j’espère qu’il n’a pas oublié la petite Adèle qu’il comblait tant à Rome et qui se souvient parfaitement qu’il l’amusait beaucoup (éloge assurément très flatteur) et qu’il racontait le plus gaiement possible de bien jolies histoires. S’il se rappelle tout cela, dites-lui combien je suis fâchée d’avoir quitté Londres sans avoir l’honneur de le voir. — Édouard compte-t-il m’envoyer des lettres pour Vienne ? Dites-lui bien des amitiés de ma part ainsi qu’à Émilie. — Parlez-moi souvent et en détail de nos amis de Brompton et rappelez-moi bien tendrement à leur souvenir. — Je calcule que je n’aurai pas de lettre demain, mais vous en recevrez une de moi. — On a prêté une somme quelconque qui rapporte une rente viagère de £ 1000 à un sir Horatio Mann. Cela suffit. — Adieu.