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CORRESPONDANCE

et, de là, revenir en Angleterre, ou bien, dit-il, si la route du Holstein est par trop mauvaise, il n’ira à Copenhague qu’à son retour de Vienne. Mais j’imagine bien que cela ne sera pas, puisqu’il est notoire que les chemins sont infiniment plus mauvais au printemps que dans aucune autre saison de l’année. Vous voyez, d’après cela, que les sots caquets de la ménagerie ne sont pas avoués, au moins par monsieur de Boigne. — Ce que vous me dites de l’état de maman m’alarme infiniment ; heureusement, un petit mot de sa main est venu me rassurer un peu. Remerciez la de penser à moi de la manière qui peut me rendre le moins malheureuse ; demandez lui, au nom de notre tendresse, de continuer les soins qu’elle a la bonté de prendre d’elle pour nous, et dites lui bien que son enfant, triste et malheureuse, n’aspire qu’au bonheur de se jeter à ses pieds et qu’elle ne supporte une misérable existence que dans l’espoir flatteur qu’un moment si doux la récompensera de tant de maux.

Comment peux-tu croire nécessaire, cher papa, de me recommander de t’écrire souvent et de ne perdre aucune occasion de te donner de mes nouvelles ? Hélas ! n’est-ce pas mon plus doux plaisir que de chercher à rapprocher la distance qui nous sépare en vous entretenant de ma tendresse, de mon respect, de mon admiration pour vos vertus ? Mais, mon père, j’en sens bien le vide et on a beau dire que les lettres charment l’absence, je n’en crois rien : elles peuvent, tout au plus, la rendre moins dure, mais c’est là tout. Mon billet daté de Sanmeendham a dû vous instruire de la raison pour laquelle vous n’avez pas entendu parler de moi jeudi ; à propos de cela, je crains bien que la poste ne quitte pas Yarmouth aujourd’hui ; alors vous ne recevrez cette lettre que quand j’aurai quitté cette île qui renferme… Il me paraît décidé que nous mettons à la voile demain,