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CORRESPONDANCE

vénients et, de plus, il faudra payer double passage. J’opinerais presque pour nous en tenir au premier parti. Il n’y a pas plus de danger à courir dans un petit packet que dans un grand ; et je suis trop malade pour qu’un peu plus ou un peu moins de commodité fasse une grande différence : Enfin monsieur de B. attend à chaque instant monsieur Hint, capitaine du Dolphin, et j’imagine qu’alors notre sort sera décidé. Au surplus, je prends tout cela avec une grande philosophie, et j’attends la décision avec une grande patience. — Monsieur de B. a trouvé ici hier au soir un monsieur Charlée qui arrive de Suisse avec sa famille ; il s’est embarqué à Cuxhaven mardi matin, et n’est arrivé à Yarmouth qu’hier au soir ; il a dit au général que les chemins d’Allemagne étaient presque impassables, que les auberges étaient tellement mauvaises que celle-ci lui paraissait un palais, qu’enfin il avait trouvé impossible de faire plus de dix-huit milles par jour, bien qu’il partît au point du jour et qu’il ne s’arrêtât qu’à la nuit. Voilà d’agréables détails pour moi. Ce monsieur Charlée avait conseillé à monsieur de B. d’aller par eau de Cuxhaven à Hambourg, mais le capitaine Hint, qui sort d’ici (et qui a été à l’office avec monsieur de Boigne arranger nos affaires), m’a bien recommandé de n’en rien faire et m’a dit que lady Webb, par exemple, avait passé deux nuits excessivement orageuses dans un bateau ouvert au milieu de l’Elbe.

Hier au soir, tous les officiers arrivés depuis peu de l’Helder ont dîné ici, et, selon la coutume, se sont tous enivrés. Ils ont cassé les fenêtres, battu les waiters, défendu tous les escaliers qu’ils avaient nommés « chemins couverts » et dont ils barraient le passage ; enfin, pendant quelques heures, nous nous sommes trouvés, comme dans une mêlée. Quelques bouteilles de plus et