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MORT DU DUC D’ORLÉANS

Comment le Roi et elle ont eu la force de supporter cette lugubre procession, c’est ce que je ne me charge pas d’expliquer. Elle s’accomplit sans que personne y eût succombé.

Une fois le corps déposé dans la chapelle, la Reine se laissa conduire chez elle et, là, ses larmes, ses sanglots, ses cris redoublèrent d’intensité. Elle s’était jetée à genoux et restait prosternée sur le parquet, la face contre terre.

Cependant, la pensée de madame la duchesse d’Orléans lui rendit la volonté. La famille réunie s’occupait de cette infortunée. On craignait que, dans son faible état de santé, elle ne succombât à un si rude coup. La Reine répétait à chaque instant : « Hélène en mourra… Hélène en mourra. »

On décida que la princesse Clémentine et la duchesse de Nemours iraient à sa rencontre pour lui amortir l’affreuse nouvelle à laquelle monsieur de Chabaud-Latour, accompagné du docteur Chomel, devait la préparer. La présence des princesses suffirait à la lui confirmer.

Leur départ accompli, la Reine, jetant un regard sur ce qui lui restait à perdre, fut effrayée de la décomposition des traits du Roi ; elle s’aperçut à quel point il était abattu, accablé, écrasé.

Faisant alors appel à cette force d’âme qui ne l’abandonne jamais, quand l’affection ou le devoir la réclame, ce fut elle qui soutint le courage du Roi. Pendant trois jours, elle ne le quitta pas un instant, lui inspirant une force surnaturelle qu’elle puisait d’en haut.

Le Roi était entré dans la chapelle immédiatement après le départ de ses filles, avait découvert les restes inanimés de ce fils si digne de son amour et l’avait couvert de larmes et de caresses. Madame Adélaïde était