Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

se voyant privé de la force qu’il espérait d’une réconciliation ardemment désirée, ne se trouve poussé par la nécessité à chercher appui d’un autre côté.

« La Reine a toujours permis à mon dévouement de lui dire la vérité telle que je la conçois, et je ne veux pas lui celer que les meilleurs serviteurs de sa maison sont grandement affligés de ce qui s’est passé récemment.

« Je m’étais fait le roman que deux illustres et saintes princesses, vénérées du monde entier, se donneraient la main, renouvelleraient une affection qui, j’en suis témoin, n’a point été altérée et, des hautes régions où leur grand cœur et leurs vertus royales les ont placées, dicteraient les lois d’amour et de charité à leurs partis. Je me persuade, Madame, que le moment est venu où elles seraient écoutées… »

7 août 1851.

J’avais copié ce fragment pour le montrer au chancelier, et je l’ai trouvé, par hasard, ces jours-ci. Je me rappelle ses paroles après l’avoir lu : « C’est sans inconvénient, mais cela n’amènera rien. » Il avait bien jugé.

La Reine répondit, avec sa bonté accoutumée, aux autres articles de ma lettre, mais pas un mot à celui-là. Je me le tins pour dit.

C’est la dernière tentative politique que mon zèle et mon tendre attachement pour elle m’aient fait hasarder.

Bientôt après, d’ailleurs, le pays passa entre des mains qui semblaient assez puissantes pour pouvoir et pour vouloir lui assurer la tranquillité, une sécurité comparative et même une certaine prospérité.

Japper dans le vide m’a toujours semblé oiseux, et, lorsque, dans les temps révolutionnaires où nous vivons, un gouvernement paraît décidé à maintenir l’ordre, je