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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

Le trop juste désespoir de la Reine était d’une nature à laquelle les événements et les malheurs subséquents avaient donné encore plus de force et d’amertume.

J’évitai pourtant de me reconnaître vaincue par elle et d’accepter la position secondaire qu’elle se faisait. Je ne gagnai pas grand’chose sur son esprit, et elle me sembla bien persuadée qu’en cherchant à appuyer sur le ressort il se romprait entre ses mains.

Toutefois, j’emportai l’idée, peut-être plus encore qu’elle n’était vraie, que les princes réunis en Angleterre, aussi bien que celui d’Espagne, la princesse Clémentine et le roi Léopold, désiraient la réunion de la maison de Bourbon, mais que la duchesse d’Orléans, dans sa résidence d’Allemagne, en tenait ses fils entièrement éloignés.

Il fallait enfin nous séparer. Ce ne fut pas sans un grand déchirement de cœur de ma part et, j’oserai le dire, de la sienne. Elle m’embrassa tendrement, en me remerciant de l’effort que j’avais fait en venant à Bruxelles. Ma très mauvaise santé le rendait, en effet, assez difficile.

Je regagnai Paris péniblement et fort triste.

J’emportai un redoublement d’affection et de dévouement pour la Reine, mais bien peu de confiance dans les dispositions de ce qui l’entourait. Je n’eus pas de bonnes paroles à communiquer au petit nombre de gens avec lesquels je m’entendais sur toutes choses.

Je terminerai ces écritures par l’extrait d’une lettre que j’adressai bientôt après à la Reine, et qui résume une partie de mes conversations de Laeken.

« La marée rouge qui monte toujours, surtout dans le Midi, et menace de tout engloutir, commence à causer un effroi général. Je crains que le grand parti de l’ordre,