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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je m’appliquai à lui présenter la situation de la France comme excessivement précaire, toutes les têtes en fermentation, mais surtout exaltées par la crainte de la république rouge dont la date fatale de 1852 semblait vouloir sonner l’heure.

Chacun n’aspirait qu’à trouver une planche de salut dans ce naufrage si prévu ; mais encore la voulait-on donnant l’espérance de quelque solidité.

Tous les bons esprits pensaient qu’une réconciliation sincère et publique avec la branche aînée de la maison de Bourbon, en formant ce qu’on appelait alors la fusion, avait la meilleure chance pour offrir cette planche.

La Reine me parut le penser aussi et le désirer fort. Elle ne me dit pas positivement que telle avait été la volonté du Roi ; mais elle me le laissa comprendre, et j’osais lui reprocher de ne pas y travailler plus efficacement.

Le bruit avait couru (peut-être pas sans fondement) que le prince de Joinville n’avait pas repoussé l’idée de se faire nommer président de la République. La Reine le démentit avec vivacité : « Il faudrait donc alors que Joinville devînt perfide à ses neveux, ou trahît le serment qu’il prononcerait. Cela est tout à fait impossible. Jamais aucun de mes enfants ne manquera à la justice ou à l’honneur. »

À l’occasion de la mort de sa bien-aimée Louise, la Reine m’avait raconté combien elle avait été touchée des sentiments de tendre sympathie exprimés par madame la Dauphine à ce sujet.

La princesse Clémentine s’était chargée d’en faire passer ses remerciements. Elle ne parlait jamais de madame la Dauphine sans attendrissement.

Les heures s’écoulaient. La Reine me dit qu’elle ne permettait pas à Léopold de voir le très petit nombre